Prix Wallach : une mathématicienne récompensée  par Marion Riegert (Avril 2023)

Chercheuse à l’Institut de recherche mathématique avancée (Irma – CNRS/Unistra), Laure Marêché étudie la mécanique statistique. La jeune maîtresse de conférences, a été récompensée pour ses travaux par le prix Wallach.

"Les mathématiques, j’adore ça, c’est ma vocation, les mathématiciens sont des gens qui me ressemblent, souligne Laure Marêché. Petite, rien ne la prédestinait aux mathématiques. J’ai grandi à Nancy dans une famille de chercheurs en chimie. Mon grand-père maternel était également professeur de chimie à l’université. Avec mes parents nous jouions à mesurer le PH du coca, se souvient la maîtresse de conférences arrivée à l’Université de Strasbourg en 2020."

Sa passion pour la discipline se développe au lycée lorsqu’elle découvre les raisonnements mathématiques, "carrés, logiques et intéressants… J’ai beaucoup hésité entre la chimie et les mathématiques avant d’opter pour la seconde discipline."

La question de l’universalité
Après deux ans de classes préparatoires universitaires à l’Université de Lorraine, poussée par ses professeurs, elle tente le concours de l’Ecole normale supérieure de Lyon et l’intègre. Le cursus se déroule en quatre ans, Laure Marêché consacre ses deux dernières années à passer l’agrégation, où elle est classée cinquième, et à réaliser un Master 2 recherche. Une thèse s’ensuit à Paris intitulée : "Modèles avec contraintes cinétiques : convergence vers l’équilibre et résultats d’universalité".

La mécanique statistique est une théorie étudiant les propriétés des matériaux en considérant que les molécules les composant se comportent au hasard. À l’aide de différents modèles proposés par les physiciens, la chercheuse s’intéresse plus particulièrement au comportement du verre. Un matériau intéressant car amorphe. "Formé par un liquide refroidi trop vite, le verre est un solide sans structure contrairement aux solides "normaux" composés d’atomes organisés en un réseau cristallin."

Sa recherche porte principalement sur la question de l’universalité. "Je souhaite montrer que même s’il peut y avoir une infinité de modèles différents, on peut les regrouper en un nombre fini de classes."

Les marches aléatoires
Après sa thèse, Laure Marêché s’oriente vers un post-doctorat à l’École polytechnique fédérale de Lausanne en 2019. "J’avais envie de voir la recherche à l’étranger, dans un pays dans lequel je pouvais comprendre la langue", raconte la jeune femme qui s’oriente vers les marches aléatoires en auto-interaction, un objet d’étude classique en théorie des probabilités.

Imaginez un promeneur qui se déplace de maison en maison le long d’une rue. "Dans les modèles classiques, il décide d’aller dans un sens ou dans l’autre au hasard sans se souvenir des endroits où il est déjà allé. Dans les modèles avec auto-interaction, nous ajoutons une mémoire. En fonction des trajets passés, la probabilité d’aller dans un sens ou dans l’autre va changer".

Travailler sur des modèles en volume
Depuis son arrivée à Strasbourg, la mathématicienne poursuit ses travaux sur le sujet, sans oublier ses recherches sur les modèles avec contraintes cinétiques. "J’aimerais améliorer mes travaux sur l’universalité, en travaillant sur des modèles en volume, le verre n’étant pas plat…"

Le prix Wallach est pour elle une grande fierté : "C’est une reconnaissance et des encouragements", se réjouit Laure Marêché qui ne se déplace jamais sans avoir de quoi écrire, et emmène ses équations jusque dans son sommeil. "Ça m’est déjà arrivé d’avoir de bonnes idées en dormant. Une nuit, j’ai rêvé d’une simplification d’une démonstration que je devais faire..."

Une conférence publique aura lieu le mardi 2 mai 2023 à 14h30 au Grand amphithéâtre de mathématique à l'UFR de mathématique et d'informatique. Intitulée « Mathématiques : une science au féminin pluriel », elle réunira Laure Marêché et sa marraine pour le prix Wallach 2023 : Nalini Anantharaman, chercheuse à l’Irma et membre de l’Académie des sciences. Toutes deux évoqueront leurs travaux et l’utilité des mathématiques pour mieux analyser le monde qui nous entoure.

À l’issue de la conférence, le président de la Fondation Wallach, basée à Mulhouse, remettra le Prix Wallach 2023 à Laure Marêché. Ce prix scientifique d’une valeur de 3 000 euros est décerné chaque année par l’Académie d’Alsace des sciences, lettres et arts à un jeune chercheur ou une jeune chercheuse, alternativement dans les deux universités alsaciennes.

Un ERC Advanced Grants 2022 pour Nalini Anantharaman  par Alexandre Tatay (Mars 2023)

Nalini Anantharaman, chercheuse à l'Institut de recherche mathématique avancée (Irma – Unistra/CNRS) et professeure au Collège de France est l’unique lauréate strasbourgeoise du financement européen ERC Advanced Grants 2022 pour ses recherches sur l’intégration de données spectrales et géométriques sur l'espace des modules.

La géométrie spectrale est le domaine des mathématiques qui cherche à faire le lien entre la géométrie d’un objet et son spectre de vibration. Le projet lauréat vise à étudier des géométries engendrées aléatoirement, avec un intérêt tout particulier pour les surfaces hyperboliques (l’« espace des modules » désigne l’ensemble de toutes ces géométries que l’on souhaite explorer).

Nalini Anantharaman cherche plus particulièrement à dégager des comportements universels concernant la géométrie de ces surfaces, ainsi que leur spectre de vibration. L’idéal serait de voir apparaître des analogies avec la théorie des grandes matrices aléatoires et nécessitera le développement de nouveaux types de calculs d’intégrales, en tentant des approches encore inexplorées à partir des travaux pionniers de Maryam Mirzakhani, mathématicienne iranienne décédée en 2017.

Un prix de 1,6 millions d’euros
Parmi les 218 lauréats et sur les 32 lauréats français, Nalini Anantharaman est l’unique Strasbourgeoise. Ce prix de 1,6 millions d’euros lui permettra de faire venir des doctorants et post-doctorants pour développer de nouvelles techniques de calculs d’intégrales sur l’espace des modules, afin de comprendre la géométrie et le spectre de surfaces aléatoires.

La formation des jeunes chercheurs est ce qui me pousse à donner le meilleur de moi-même et je me réjouis infiniment que l’ERC me soutienne dans cette approche, souligne Nalini Anantharaman.

Cette nouvelle reconnaissance, s’ajoute à une carrière déjà bien remplie. Elue à l’Académie des sciences en 2019, elle est également titulaire depuis le 1er octobre 2022 de la chaire de géométrie spectrale du Collège de France.

L’ERC Advanced Grant

L’European Research Council (ERC) Advanced Grants est un programme européen prestigieux et très sélectif de financement de projets de recherche d’excellence. Seuls 13,2 % des projets déposés en 2022 ont été financés. Il a été créé par l'Union européenne en 2007, et est le premier organisme européen de financement de la recherche de pointe.

« Nous faisons face à un défi important pour l'enseignement des mathématiques »  par Elsa Collobert (Février 2023)

Recrutement des étudiants et des enseignants, dépoussiérage de l'offre de formation, gros travaux... Michaël Gutnic, directeur de l'UFR de Mathématique et d’Informatique depuis le 1er septembre dernier, après avoir été directeur du département Mathématiques, passe en revue les enjeux de sa composante.

Quels sont les projets actuellement en cours à l'UFR Math-Info ?

Un gros dossier qui nous occupe depuis déjà un moment, c'est celui des travaux dans notre bâtiment. Ils ont débuté il y a deux ans, à l’été 2020. La première année, l'essentiel a consisté à consolider la structure du bâtiment, qui souffrait de graves problèmes structurels. Divers renforts ont été apportés au bâtiment, qui date des années 1960, pour le solidifier.

Ce qui est en cours, c'est à la fois une rénovation énergétique et une mise aux normes pour les Personnes à mobilité réduite (PMR) (voir aussi le diaporama photos ci-dessous).

La dernière tranche, très importante, qui a pris du retard, va consister en une restructuration complète du 4e étage. Une extension rajoutée après la construction du bâtiment et qui est une vraie passoire énergétique. Ces travaux sont permis grâce à une rallonge de financement, obtenue dans le cadre du plan de relance national. La grande majorité du reste des travaux est financée dans le cadre du Plan campus.

Le confort thermique du bâtiment est déjà nettement amélioré, grâce aux travaux réalisés. Tout devrait être achevé fin 2023, la date d'échéance du permis de travaux.

Quels sont les autres projets prioritaires ?

Nous travaillons au renouvellement de notre offre de formation, pour la nouvelle habilitation 2024. Nous souhaitons en particulier renforcer notre filière « Actuariat » sur les mathématiques du risque, dont les débouchés se situent en banque et dans les assurances, afin de la pérenniser. Cette filière, comme celles de master de mathématiques appliqués et d’informatique, ne posent aucun problème de recrutement ni d'insertion professionnelle : les diplômés de master que nous formons dans ces secteurs sont tous en emploi un an après la sortie de leurs études.

En revanche, nous sommes face à un défi important pour la filière enseignement. Au niveau national, 46 % des postes offerts au Capes ne sont pas pourvus, un peu moins de 10 % à l'agrégation. L’amélioration de la réussite à ces concours est un enjeu majeur. Il en va de la formation de nos futures générations aux mathématiques... Localement, une des pistes à laquelle nous réfléchissons, c'est de proposer plus tôt un parcours de spécialisation à nos étudiants, peut-être dès la deuxième année de licence.

Nous menons également une réflexion importante sur l’enseignement de l’informatique au niveau de la licence, et de son articulation avec l’enseignement des mathématiques.

Se pose aussi la question du recrutement des enseignants-chercheurs en informatique comme en mathématiques : nous faisons beaucoup appel à des professionnels ou à des collègues enseignants du secondaire, sur le principe d'heures de vacations, pour compenser un sous-encadrement chronique... Plusieurs départs à la retraite se profilent, l'enjeu est de recruter pour maintenir notre potentiel de recherche et la diversité de l’offre de formation. Le dialogue est constructif avec la vice-présidence Ressources humaines. Pour la réforme des études de santé et son nouveau parcours mathématiques, nous avons été entendus et avons obtenu des moyens humains à la hauteur des enjeux.

La réforme des mathématiques au lycée a fait couler beaucoup d'encre...

La suppression de l'enseignement obligatoire des mathématiques a fait beaucoup de mal dans les lycées. À Strasbourg, nous étions toutefois positivement surpris de ne pas recevoir sur Parcoursup beaucoup de candidatures de lycéens « hors-profils ». Là où la réforme a fait le plus de mal, c'est en ce qui concerne la vocation des jeunes filles pour les mathématiques et l’informatique. Un sujet auquel nous nous étions attelés depuis déjà plusieurs années, via les Cordées de la réussite. Nous souhaitons en faire un axe de travail important, avec les deux directeurs de département de l’UFR.

Les nombreuses manifestations que nous organisons main dans la main avec le rectorat – Maths en jean, les Olympiades des mathématiques, Cordées de la réussite en informatique – ont pour but d'acculturer les collégiens et collégiennes, lycéens et lycéennes, aux mathématiques et à l’informatique, de les décomplexer par rapport à ces matières parfois intimidantes. Nous allons poursuivre et intensifier ces efforts.

En images : les travaux à l'UFR de Mathématique et d’Informatique

Dans les petits papiers de Myriam Pepino  Février 2023 par Elsa Collobert

Des métiers atypiques au cœur de l'université #4. Seule et unique relieuse de l'université, basée à l'UFR Math-Info, Myriam Pepino jongle au quotidien entre réparation de livres et conception d'ouvrages uniques. Pour ce nouvel épisode de la série consacrée aux métiers atypiques de l'université, elle nous ouvre les portes de sa caverne d'Ali Baba, une véritable malle au trésor...

Presses, plioir, papiers multicolores et marbrés, aiguille, ciseaux, colle, massicot... sont les outils de travail quotidiens de Myriam Pepino, la relieuse de l'université. En 2016, interviewée par L'Actu, elle décrivait ainsi ses missions : "J'assemble les revues en un corpus robuste, permettant une consultation régulière et une meilleure conservation. Je répare aussi les ouvrages abîmés".

Cette fonction existe maintenant depuis plus de 40 ans à l'Université de Strasbourg, occupée précédemment par M. Kernst, déjà à l'UFR de Math-Info. "C'est une volonté de notre direction, riche de l'un des fonds documentaires en mathématiques les plus importants de France". Des archives précieuses, dont certaines datent du 16e siècle, jusqu'au 20e siècle pour le fonds ancien*. Myriam Pepino y consacre environ 60 % de son temps de travail. Mais ses prestations, désormais inscrites au catalogue de l'imprimerie de la Direction des affaires logistiques intérieures (Dali), sont aussi "accessibles aux autres services de l'université, sur facturation interne".

Pimenter le quotidien

Sous l'influence de sa titulaire actuelle – 26 ans de maison à l'Unistra – la fonction s'est progressivement élargie à la reliure d'art et de création. Cela permet de "pimenter le quotidien, en diversifiant le travail, et de manipuler des matières nobles, comme la feuille d'or ou le cuir", apprécie Myriam Pepino.

Celle-ci est ponctuellement amenée à concevoir des livres d'or pour des occasions spéciales : "La célébration du prix Nobel de Jean-Pierre Sauvage, ou encore un départ à la retraite". Il peut aussi s'agir de "rassembler dans des ouvrages de prestige tous les articles d'un chercheur, ou leur thèse de doctorat". Une activité très gratifiante, car cela touche une corde émotionnelle chez les personnes concernées. "Malheureusement, je n'ai pas l'occasion de voir par l'expression sur leur visage quand ils reçoivent leur cadeau. Mais on me dit qu'ils sont en général très touchés".

Depuis, Covid oblige, Myriam Pepino a revu son organisation. Elle répartit désormais son temps entre l'UFR et son atelier privé de Gambsheim, partagé avec son mari Michael. "Je n'aurais jamais imaginé travailler ailleurs qu'à l'UFR. Mais avec un peu d'organisation, ça marche très bien. En télétravail", elle peut se concentrer sur les tâches minutieuses, comme les livres d'or, "alors qu'à l'UFR je me consacre aux gros trains de reliure, comme 60 ouvrages du fonds de la bibliothèque de l'Institut de recherche mathématique avancée (Irma) que je viens juste de livrer", précise-t-elle. "Un bon compromis".

Mais à peine cette nouvelle organisation rodée, il a de nouveau fallu s'adapter : "L'UFR subissant de gros travaux, j'ai basculé à 100 % en télétravail depuis six mois". Suite à une vaste opération de nettoyage, "le changement des fenêtres pour des modèles plus performants ayant généré beaucoup de poussière", Myriam Pepino vient tout juste de réintégrer son atelier.

Raréfaction

Le périmètre de ses missions s'est aussi élargi, pour son plus grand plaisir : "Je mène de plus de plus d'actions de médiation culturelle et scientifique, comme ouvrir mon atelier pour les Journées du patrimoine, organiser sur site les Journées de l'architecture avec l'architecte Laurent Kohler, accueillir des étudiants pour le festival Arts et sciences de l'Afges. Sans oublier la conception d’expositions. Cela s'inscrit dans la politique de l'UFR, de valorisation de notre patrimoine architectural, emblématique des années 1960, et livresque".

Myriam Pepino est toujours aussi passionnée par son travail. Mais la titulaire du brevet de maîtrise supérieur (la plus haute qualification pour ce métier, obtenue en formation continue à l'Unistra, entre 2006 et 2009), toujours volontaire pour présenter son métier à des étudiants en formation, s'inquiète pour une activité artisanale en voie de raréfaction. "L'accès au savoir passe de plus en plus par la voie du numérique et la dématérialisation. Qui sait de quoi demain sera fait..."

* L'UFR de Math-Info est doté de deux fonds documentaires : celui de l'Institut de recherche sur l'enseignement des mathématiques (Irem) et de l'Institut de recherches mathématique avancée (Irma)

Dans les coulisses de l'atelier

Crédits photos : UFR de MATH-INFO

Nalini Anantharaman nommée au Collège de France  Par Marion Riegert (Janvier 2023)

Elue à l’Académie des sciences en 2019, Nalini Anantharaman, chercheuse à l'Institut de recherche mathématique avancée (Irma – CNRS/Unistra/Inria) est titulaire depuis le 1er octobre 2022 de la chaire de géométrie spectrale du Collège de France. Elle est la deuxième femme nommée dans le domaine des mathématiques et la seule en activité.

Je ne m’attendais pas à ce que l’on me propose cette chaire. J’avais une certaine image des professeurs du Collège de France, beaucoup d’hommes... et seulement 8 autres femmes en activité, j’ai pris le temps d’y réfléchir, raconte la mathématicienne qui continue d’habiter Strasbourg et possède toujours son bureau à l’Irma où elle est présente deux jours par semaine. J’aimerais continuer d’encadrer des doctorants. Selon les disciplines, le fonctionnement est différent au Collège de France. En sciences expérimentales par exemple, il y a des laboratoires de recherche sur place mais pas en mathématiques ou en sciences humaines, beaucoup de professeurs gardent ainsi leur laboratoire ailleurs, poursuit la chercheuse.

"Surmonter une certaine timidité"

Dans le cadre de sa nomination, Nalini Anantharaman donne chaque année au Collège de France une conférence hebdomadaire ouverte à tous de deux heures environ durant 10 semaines. Elle participe à la gestion collégiale de la structure au côté des 45 autres professeurs titulaires d’une chaire permanente en activité. Nous avons des réunions trois à quatre fois par an le dimanche pour parler du budget, voir si certains bâtiments doivent être rénovés...

Depuis sa nomination, elle remarque également que son avis est sollicité sur des problématiques variées. "J’ai été contactée pour aider à élaborer la nouvelle section de mathématiques du Palais de la découverte. Je suis également en contact avec des employés du ministère de l’Education nationale, je devrais rencontrer le ministre Pap Ndiaye pour parler de l’enseignement des mathématiques. C’est assez nouveau, cela me demande de surmonter une certaine timidité, mais c’est très intéressant."

Le Collège de France
Le Collège de France est un établissement public d’enseignement supérieur et de recherche créé par François 1er qui nomma en 1530 les premiers lecteurs royaux. Leur fonction était alors d’enseigner des disciplines qui n’étaient pas encore admises à l’Université.

Voué à la recherche fondamentale, qu'il développe en partenariat étroit avec le CNRS, l’Inserm et de nombreuses institutions scientifiques et culturelles, le Collège de France est organisé en chaires qui couvrent un vaste ensemble de disciplines. Un professeur nommé sur une chaire statutaire du Collège de France peut l'occuper jusqu'à la fin de sa carrière. Cependant, un petit nombre de chaires annuelles, toutes thématiques, accueillent chaque année un nouveau titulaire.

Laura Monk reçoit le prix L’Oréal-Unesco  octobre 2021

Laura Monk compte parmi les 35 jeunes chercheuses à avoir reçu le prix jeunes talents France 2021 l’Oréal-Unesco pour les femmes et la science, dans la catégorie mathématiques et informatique. Ce prix vient récompenser ses travaux de thèse réalisés à l'Institut de recherche mathématique avancée (Irma) sur les surfaces hyperboliques aléatoires.

« Entre matheux, on dit qu’un théorème est beau. Les mathématiques, c’est une discipline qui touche à la créativité. La technique, beaucoup vue à l’école, ne suffit pas. C’est comme un peintre qui aurait un très bon coup de pinceau mais ne saurait pas quoi dessiner… », raconte Laura Monk qui débute ses études à Lille avant de poursuivre en classe préparatoire à Paris puis de faire l’Ecole normale supérieure.

En 2018, alors qu’elle hésite entre enseigner et faire de la recherche, la jeune femme décide d’opter pour une thèse. Grâce au bouche à oreille, elle rencontre Nalini Anantharaman, chercheuse à l'Institut de recherche mathématique avancée (Irma) qui devient sa directrice.

Un peu comme un écrivain
Son sujet ? Les surfaces hyperboliques aléatoires. « Ce sont des surfaces qui ont une forme ressemblant à celle d’une selle de cheval par exemple. » L’originalité étant qu’au lieu de proposer un théorème qui présuppose un résultat quelle que soit la situation, Laura Monk émet des probabilités. « Certaines « surfaces méchantes », comme on les appelle, n’obéissent pas aux théorèmes. Ma stratégie est de dire, la plupart du temps il se passe telle chose, en proposant des probabilités autour de différentes questions comme : quelle est la probabilité de couper la surface en deux ? », détaille Laura Monk qui étudie également les spectres, les sons qui pourraient être émis par ces surfaces.

Des mathématiques fondamentales pour lesquelles il pourra ou non y avoir des applications. Mais ce n’est pas l’essentiel pour la jeune chercheuse. « Ce sont des questions qui m’intéressent ou qui m’amusent. Ce qui me plait dans les mathématiques, c’est que c’est une sorte de ligne de connaissance à laquelle nous participons tous en partageant des idées, des questions, des modèles, des points de vue. Un peu comme un écrivain qui en proposant un roman contribue à la culture. »

Un monde très masculin
Un monde qui reste cependant très masculin, « à chaque étape de mes études, les femmes étaient de moins en moins nombreuses. Je pense qu’en tant que fille on a peut-être plus tendance à s’arrêter aux difficultés, à être moins dans la compétition. C’est normal que ce soit dur, j’ai eu plein de moments de doute, mais ça ne dure pas et ça ne veut pas dire que notre valeur en est affectée. »

Laura Monk a soutenu sa thèse en septembre dernier, depuis, elle s’est envolée pour un post-doctorat à Bonn en Allemagne où elle poursuit ses recherches sur les surfaces hyperboliques. Le prix jeunes talents va lui permettre de s’acheter un nouvel ordinateur mais aussi de voyager afin d’exposer ses travaux et créer de nouvelles opportunités de collaboration.

Marion Riegert

Interview d'Alix Deleporte - Ancien doctorant  Septembre 2019

Alix Deleporte a récemment soutenu sa thèse à l'IRMA. Il a accepté de répondre à quelques questions.

 

Quel est ton parcours ?

J'ai fait mon Master recherche à l'université Paris-Sud, en tant qu'élève de l'ENS. J'y ai rencontré Nalini Anantharaman qui a accepté de me prendre en thèse, à condition que je la suive à Strasbourg ! Je suis donc arrivé à l'IRMA ou plus précisément à l'UFR Math-Info – puisque c'est là qu'est mon bureau – pour mon stage de M2. J'ai ensuite fait toute ma thèse à Strasbourg. À présent, je pars en post-doctorat (CDD de recherche) au MSRI (Berkeley) puis à l'Université de Zürich.

 

Quelles ont été tes actions à l'IRMA et à l'UFR ?

En tant que doctorant, j'ai été intégré aux activités de recherche à l'IRMA, et d'enseignement à l'UFR. Du côté IRMA, j'ai animé un groupe de travail pendant un an. Du côté UFR, j'ai enseigné en première et en deuxième année pour la licence Math-Info.

 J'ai aussi eu la chance de pouvoir enseigner, aux côtés de Tatiana Beliaeva, au cercle mathématique de Strasbourg, qui rassemble des lycéens et qui a déjà fait l'objet d'un article dans cette Newsletter.

C'est dans ce cadre que j'ai co-organisé le TFJM^2 (Tournoi Français des Jeunes Mathématiciennes et Mathématiciens), une compétition mathématique  pour élèves de lycée à l'échelle de la région Grand-Est.

 

Sur quoi porte ton manuscrit de thèse ?

J'ai majoritairement travaillé sur des problèmes aux valeurs propres pour des opérateurs qui agissent sur des sections holomorphes de fibrés. Quand la puissance du fibré tend vers l'infini, j'ai étudié les comportements asymptotiques, d'abord des espaces de sections, puis des opérateurs qui agissent dessus. C'est de la recherche fondamentale, mais qui est motivée par des exemples venant de la physique des spins, et qui j'espère pourra en retour nourrir la littérature physique.

 Pour faire simple, j'ai diagonalisé des matrices !

 

Comment se passe la transition d’étudiant à chercheur ?

Ce n'est jamais une transition facile... J'ai eu la chance d'être soutenu par mon équipe de recherche, ce qui a permis que je ne me sente rapidement plus comme un étudiant. Mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas des moments de doute sur mon avenir professionnel ! Chacun évloue à son rythme et je pense que le plus important est de parler aux gens et de se sentir à sa place.

 

Tu es également musicien amateur. Que penses-tu des liens entre mathématique et musique ?

À titre personnel, je vis surtout la musique comme un moment où je mets les mathématiques entre parenthèses -- et réciproquement ! Tel jour où rien ne marche dans ma recherche, la pratique ou l'écoute musicales me réconfortent ; tel jour où je suis frustré de ne pas arriver à jouer du basson comme je le voudrais, je peux me concentrer sur la préparation d'un cours. J'ai été très bien accueilli au sein de l'Orchestre Universitaire, ce qui m'a permis de tisser des liens notamment avec des enseignants et chercheurs d'autres disciplines. Cet orchestre cherche des musiciens et des musiciennes !

 Beaucoup de qualités d'un musicien sont également des qualités d'enseignant ou de chercheur en mathématiques (écoute mutuelle, présence scénique, sens de l'organisation, originalité, compréhension de nouvelles notations, obstination...). Pour autant, je ne pense pas qu'être  mathématicien m'aide particulièrement à mieux jouer. Les outils d'analyse harmonique (au sens musical du terme) nécessaires à la compréhension ou  l'écriture d'une partition sont rudimentaires d'un point de vue mathématique. A contrario, la science des matériaux (et les outils mathématiques associés) a toujours servi la pratique musicale en permettant l'amélioration de l'acoustique des instruments et des salles, de Boehm à l'impression 3D.

 

Quels sont tes meilleurs souvenirs de tes années à Strasbourg ?

J'ai été profondément marqué par l'efficacité et la gentillesse du personnel administratif, tant à l'IRMA qu'à l'UFR. Je souhaite pouvoir retrouver une telle énergie dans la suite de ma carrière !

 Parmi les moments que j'ai particulièrement appréciés, figure la naissance des canetons dans le patio de l'UFR. Tous les ans, une cane revient pondre au début du printemps. Et tous les ans, une effervescence s'empare du laboratoire ! La protection des canetons constitue d'un coup le sujet de discussion principal à l'UFR. Je pense que c'est une belle métaphore pour la mission première d'une université.

Portrait du nouveau Directeur du département de Mathématiques à l’UFR de Mathématique et Informatique.  Septembre 2019

Depuis le 1er janvier 2019, Michaël Gutnic a pris ses nouvelles fonctions de Directeur du département de Mathématiques à l’UFR de Mathématique et Informatique.

Après un doctorat en mathématiques soutenu en 1998 à l’Université de Paris Sud, il poursuit sa carrière en tant que Maître de conférences à l’Université de Strasbourg où il intègre l'équipe de recherche Modélisation et contrôle de l’Institut de Recherche Mathématique avancée. Ses derniers travaux en mathématiques appliquées à la fusion nucléaire portent sur l’étude mathématique et numérique du plasma de tokamak (pour plus d’informations programme Iter).

Son expérience universitaire se fonde sur son engagement collectif notamment dans les instances centrales de l’université pendant ces 12 dernières années (conseil d’administration, CHSCT, commissions et groupes de travail divers, responsable APOGEE de l’UFR et de l’Université…) qui lui ont conféré une bonne connaissance du fonctionnement de l’institution (organisation, aspects budgétaires ou ressources humaines,...). Il a également exercé des responsabilités syndicales en tant que membre du bureau puis co-secrétaire de SNESUP-FSU de l’Université de Strasbourg.

Il enseigne aujourd’hui le Calcul scientifique en 2ème année de la licence de mathématiques, ainsi que les mathématiques et probabilités et statistiques en 1ère et 2ème années de la licence des Sciences de la Vie, dont il a été responsable pendant plusieurs années des équipes pédagogiques.

Son élection s’inscrit dans la continuité de son engagement,  collectif désormais au service de la communauté mathématique, et plus particulièrement sur les aspects d’offre de formation en mathématiques afin de continuer à proposer les enseignements les plus pertinents aux étudiants.

Interview de Josiane Nervi - Directrice de l'IREM  Février 2019

Vous venez de terminer votre deuxième mandat à la direction de l’IREM. Pourriez-vous revenir sur ces six années ?

Mon second mandat de directrice de l’IREM de Strasbourg a pris fin le premier janvier 2019 et c’est notre collègue Mohamed Atlagh qui est désormais aux commandes de ce bel institut.

Un passage de relai est toujours un moment émouvant et délicat, aussi, nous avons travaillé en concertation durant tout le dernier trimestre de l’année 2018 afin que cette transition s’effectue sans difficulté. Pour ma part, l’aide, la confiance et le soutien que m’ont apportés mes deux prédécesseurs immédiats Nicole Bopp et Philippe Nuss m’ont été précieux.

Ces six années passées à la direction de l’IREM m’ont beaucoup appris et confortée dans la certitude que le projet porté par ce réseau était utile et toujours d’actualité.

De par la souplesse de sa structure et de son organisation, de par sa capacité d’écoute à l’égard de ses partenaires institutionnels (UFR de mathématique et d’informatique, rectorat, commissions Inter-IREM nationales) l’IREM est très réactif et constitue un point d’appui important dans les actions menées tant dans le domaine de la formation que de la diffusion des mathématiques. Je me dois de souligner que cette plasticité est sans aucun doute due à l’une des spécificités de l’IREM de Strasbourg qui, contrairement à d’autres IREM rattachés aux ESPE, est une composante de l’UFR de mathématique et d’Informatique. Le dialogue avec les enseignants-chercheurs en est facilité et plus riche.

 

Quelle a été votre action au sein de l’IREM ?

Si la mission d’origine de formation de formateurs académiques continue d’animer l’activité de nos groupes, l’IREM ne pouvait rester à l’écart de questions importantes qui animent notre communauté universitaire ; à savoir l’attractivité des études scientifiques, l’irruption de l’informatique dans les enseignements du secondaire et la nécessaire transmission aux plus jeunes de nos collègues et futurs collègues de ce message d’engagement dans nos activités.

Aussi, l’IREM a renforcé son implication dans la conception d’activités en direction des lycéens organisées en collaboration avec les IPR et l’UFR. Celles-ci sont encadrées par des enseignants-chercheurs et ont pour but de « populariser » les mathématiques et le travail souvent méconnu des chercheurs (MathC2+, MaTh.en.Jeans, Rallye Mathématique d’Alsace, cercle Math).

Pour rapprocher nos jeunes collègues de l’IREM et par conséquent pour éviter que ne s’opère une rupture avec le monde de la recherche universitaire, nous avons formalisé un rendez-vous annuel avec les professeurs stagiaires. A la suite d’une conférence toujours donnée par un jeune docteur, des échanges permettent de donner une vision de l’université plus ouverte à leurs questionnements de futurs professeurs.

Dans cette même volonté d’intégrer des jeunes chercheurs, l’IREM a obtenu que des doctorants puissent faire valider dans le cadre de leur formation doctorale, leur investissement auprès de lycéens (programme MaTh.en.Jeans).

L’IREM a largement ouvert ses portes aux enseignants-chercheurs du département d’informatique lesquels se sont progressivement investis tant dans les rencontres avec les lycéens que dans la coordination d’un groupe de réflexion et de proposition sur l’enseignement de l’informatique au lycée.

 

Quels ont été les événements marquants organisés par l’IREM de Strasbourg sous votre mandature?

L’IREM de Strasbourg a organisé en juin 2016 un colloque du réseau international des IREM afin de faire un état des lieux des structures qui, à l’instar des IREM, contribuent dans différents pays à alimenter non seulement la recherche en didactique des mathématiques mais aussi à connecter les activités des enseignants du second degré avec la recherche fondamentale en mathématique et informatique. Ce colloque a réuni une centaine de personnes venues de 10 pays.

Un autre colloque est sur les rails, celui de la CORFEM (Commission pour la Recherche sur la Formation et l’Enseignement des Mathématiques). Il se tiendra dans nos murs en juin 2019 et devrait accueillir 120 enseignants, formateurs et enseignants-chercheurs.

Ces initiatives et la confiance accordée par le réseau des IREM témoignent que l’IREM de Strasbourg est un institut dynamique, apprécié et reconnu de tous.

Cercle mathématique de Strasbourg  Février 2018

Pour la huitième année consécutive, le Cercle Mathématique de Strasbourg accueille toutes les semaines des élèves des lycées de toute l'Alsace dans les locaux de l'IRMA.

Cette activité, encadrée par des chercheurs et enseignants-chercheurs, reçoit le soutien de l'IRMA, du LABEX IRMIA, de l'UFR Math-Info, et bénéficie d'un partenariat avec la société Hager.

Les séances ont lieu les mercredis soirs de 17 à 19h et consistent en des activités mathématiques ludiques, qui sortent des apprentissages du lycée et participent d'une initiation à la recherche.

Dans le cadre du partenariat avec Hager, les élèves ont visité en novembre l'usine de l'entreprise à Obernai et ont échangé avec les ingénieurs sur place autour de la place des mathématiques dans la recherche et développement en entreprise. Des employés de Hager viendront au second semestre assister à des exposés mathématiques donnés par les élèves.

 

Atelier de reliure  Octobre 2017

Voilà 20 ans que Myriam Pepino est relieuse d'art et restauratrice de documents anciens de l' UFR de mathématique et d'informatique (voir l'Actu du 14/10/2016).

Pour le cinquantenaire des bâtiments EOST/UFR, Myriam a réalisé en collaboration avec Norbert Schappacher, professeur de mathématiques et assisté par son mari pour la conception du projet, un travail de reliure de création et de restauration sur 2 ouvrages de JACOBI conservés dans le fonds ancien de la bibliothèque de l'IRMA (ce travail sera présenté à la bibliothèque lors des Journées Européennes du Patrimoine 2017).
Dans leur atelier de reliure à Gambsheim, Myriam et Michael (son mari) ont également conçu et réalisé en 2 jeux (26 panneaux au total) l'exposition photos retraçant la construction des bâtiments EOST/UFR sur 2 ans (l'année 1965 et 1966).